La flamme brule


Les doigts s'agitent, les cordes vibrent sous les ongles, les notes s'arrachent d'abord, s'envolent ensuite. La scene est eclairee et pourtant elle parait obscure. Toute la lumiere est aspiree en son centre.
Ses bras ondulent d'abord comme des roseaux qui subiraient la brise du matin. Les doigts du guitariste pianotent des petites notes decrochees d'abord. Puis sa main gratte les cordes. Ses bras a elle se trouvent alors portes par un vent qui forcit. Ses poignets se cassent, ses doigts se crispent, grimacent avec grace. Et puis c'est tout son corps qui s'anime. Ses jambes s'arquent, ses talons frappent le plancher, comme au theatre, lentement d'abord, stacatto ensuite. Ses jambes sont maintenant aeriennes, elles donnent vie aux froufrous de sa robe, qui ondule en rythme.
Etincelles. C'est comme si ces talons etaient en souffre. Les claquettes ont fini par mettre le feu a son corps, elle danse le flamenco, son dos se cambre, sa posture est stricte, son regard noir, la lumiere y plonge indefiniement pour ne plus rapparaitre. Elle aspire tout ce qui l'entoure, aucun regard ne peut l'ignorer, le tonnerre se dechaine, son corps a elle ne lui appartient plus, il a pris feu et ondule comme une flamme. Et c'est beau une flamme qui danse dans l'obscurite.
Et puis la musique ralentit, la danseuse semble comme reprendre ses esprits. Les bras deviennent lourds, les mouvements plus doux, le corps se rend, le feu est domine, un claquement sec de talon annonce la remission. Les yeux se rallument, la scene reapparait d'abord, les musiciens et les autres spectateurs ensuite. Elle, radieuse, sourit, savoure l'instant.
Et puis l'artiste salue l'instant qui s'en va.