Paroles et musique

En cette saison, les soirees sont encore agreables a Vancouver. Les terrasses equipees de ces lampadaires chauffants accueillent encore quelques courageux (ou frimeurs) qui font comme s'il faisait encore jour et encore beau. C'est amusant.
- Oui c'est vrai que c'est amusant ca.
- Ah non pas vous. Je vous avez deja dis de pas m'interrompre dans...
- Hihihihihihhihihihihihi
- Quoi encore?
- Vous avez dis interrompre. Hihihihihi.
- Securite!
Je m'excuse pour cette interruption (*rire de l'intrus evacue par la securite suivi d'un coup de feu et d'un lourd silence*). Tiens pendant que j'y pense, comment un silence peut-il etre lourd. Le silence est la version la plus pure de l'air. Celle qui n'est chargee d'aucune onde sonore. Je crois que l'utilisation distordue d'image dans notre language est tout simplement un fait avec lequel il faut vivre car je ne me sens pas la force de partir en croisade pour remplacer "lourd silence" par "silence pur" et de toute facon je m'egare, si si, ne me dites pas le contraire je le vois bien.

Ainsi donc par une soiree automnale je me suis rendu a un petit concert dans un cafe. Et alors que la pianiste nous chantait un air melodieux, je me suis interroge sur le poids des paroles dans une chanson. Jusqu'a quel niveau portons nous attention au contenu de ces textes. Combien de rangaines denuees de sens reprenons nous en choeur gaillardement sans preter aucune attention a l'ineptie qui se tisse en direct.

Une etude sociologique dirait probablement que le comportement social autorise un decoupage binaire. Le premier groupe constitue des non-intellectuels, non-eduques, non-pensants, evidemment le plus grand groupe, qui chante le plus fort des textes auxquels il n'a jamais imagine que l'on pouvait donner un sens. Le deuxieme groupe qui sent le patchouli, et qui se trouve dans le coin gauche est compose des intellectuels, des penseurs et des enculeurs de mouche.

Le premier groupe donc, brutal, instinctif et denue d'intelligence ne repond qu'a des stimuli. Ainsi de la musique par exemple va le faire reagir. Le choc de l'onde sur son squelette entraine une reaction. De plaisir ou de haine ( oui ce sont les deux seuls etats que les membres primitifs du premier groupe peuvent atteindre).
Le second groupe, denue d'emotion et de recepteur sensoriel ne peut qu'effectuer une autopsie complexe des informations qu'il recoit. Ainsi les suites de notes doivent repondre a un enchainement precis et ordonne pour obtenir leur approbation. Si les notes pouvaient s'assembler afin de former une suite de Fibonacci alors peut etre que les membres du second groupe pourrait enfin connaitre l'orgasme. De la meme facon les mots doivent s'assembler et donner un sens merveilleux. Le plus l'assemblage est complexe et inepte, le plus le sens cache est merveilleux. C'est la regle.

On peut donc facilement tirer ici deux conclusions.
- Ahahahahah, vous avez dis conclusion, ahahahahah
- Ben je croyais qu'ils vous avez ab... enfin mis hors d'etat de nuire?
- Non ca va je suis juste blesse a la tete.
- Ah oui quand meme. Je serais vous j'irai montrer ca a un chirurgien quand meme.
Donc disais-je, deux conclusions se profilent. La premiere, les paroles ont s'en fout de toutes facons dans les concerts on crie juste des onomatopees. La seconde, les etudes sociologiques c'est vraiment comme peter dans une tornade.

Le concert etait tres bien, le premier groupe (Great Aunt Ida) est de Vancouver et fait de la jolie musique tranquille. Le second (Fond of tigers) etait bruillant mais interessant, il n'y avait pas de chanteur.
Lorsque je suis rentre, les terrasses etaient vides. Cette fois ca y est, je crois que l'ete est fini. Pour de bon. Les cons sont a l'interieur.