J'avais 23 ans ou peut etre 24. Je vivais pour ces heures perdues dans une salle obscure ou une raie de lumiere anime un ecran blanc. Parce que c'est ca la magie. Ce n'est pas seulement un lapin qui sort d'un chapeau transperce de 8 lames tranchantes. A la reflexion c'est une sensation personnelle la magie. Pour moi donc, c'est lorsque cet ecran blanc prend vie. Quoi de plus inerte et neutre qu'une toile blanche. Quoi de plus envoutant alors que de la voir se metamorphoser en une raconteuse d'histoires, une impression de vos reves et de ceux d'autres reveurs. Bien sur il faut des yeux d'enfants pour voir cela. Si par malheur vous avez change vos yeux d'enfants pour un cristallin d'adulte, alors peut etre ne voyez vous qu'un ecran de tele geant ou apres une reclame pour les cones Miko, une autre reclame de deux heures vous fait croire qu'un americain vaut cinq vietnamiens ou qu'une blanche vaut deux noires. Je ne sais pas je n'ai jamais fait l'echange.
C'est ainsi donc qu'un jour j'avais vu une histoire sur l'amour la chance et le desespoir. La solitude surtout peut etre. Je ne sais pas, je n'aime pas dissequer. Je trouve qu'un cheval est plus gracieux lorsqu'il galope que lorsqu'il est ouvert en deux sur une table en aluminium. Encore qu'un bon steak de cheval... mais je m'egare.
C'est ainsi donc disais-je avant de m'auto-interrompre que j'avais voyage une heure et demi durant avec Adele et Gabor. J'avais apprecie que du desespoir naisse une aussi belle histoire. Parce que le noir et blanc exacerbe les extremes, la misere est plus dur, le bonheur plus grand. L'image plus belle aussi. Comme vingt-quatre oeuvres d'art a la seconde.
Et puis depuis, j'avais vecu avec ce souvenir chaud capture dans une cellule visqueuse de mon cerveau. De temps en temps j'aimais a me rappeler Adele et Gabor, meme si bien vite je ne me rappelais plus leurs noms. Mais leurs visages, tristes, perdus, mouilles, souriants me revenaient de temps a autres. De facon de moins en moins nette certes.
Alors hier soir j'ai replonge. Je suis remonte sur le pont. Adele etait la, troublante. Perdue dans une vie trop grande pour elle. Gentille dans une vie trop cruelle pour elle.
Et puis Gabor est arrive.
Et puis la magie a recommence.
